Afghanistan : quand les mineurs sont… mineurs

Depuis l’arrivée au pouvoir des Talibans, le nombre d’enfants travaillant dans les mines a considérablement augmenté. Alors que le monde occidental s’émeut de cette situation, sur place, cette dernière apparaît inquiétante, sinon banale.

Je travaille dans les mines depuis deux ans, raconte une petite voix fluette et grésillante à travers le téléphone. Je récupère le charbon à la sortie de la mine et je le transfère sur le dos des ânes. » Cette voix, c’est celle d’Ahmad Shah Ahmadi, 13 ans. Son employeur, Mohammad Yousuf Zakiri, lui a donné le téléphone.

Depuis le garage à charbon de Mazar Sharif, une ville afghane située à la frontière du Tadjikistan, le garçon prend une pause pour raconter son quotidien. « Mon père est malade, commence-t-il. Il est devenu très faible et ne peut plus travailler. Ma mère nettoyait les raisins secs dans une entreprise avant, mais avec le nouveau régime, elle n’a plus le droit de travailler. »

Sur ce dernier point, l’enfant fait référence à l’une des nombreuses règles imposées par l’émirat islamique, mis en place par les Talibans depuis le 15 août 2021. Petit à petit, les Afghans ont perdu tous les droits sociaux qu’ils avaient gagnés en vingt ans. Les femmes n’ont plus le droit de travailler, ni d’étudier. Ce qui a fait baisser le revenu de tous les foyers. Les Talibans ont également tué beaucoup d’hommes.

Une famille sur cinq

Mais il faut bien vivre, manger, et donc travailler. Alors le nombre d’enfants qui travaillent désormais a explosé. L’ONG Save the Children a publié une enquête très claire : dans les six mois qui ont suivi l’instauration du nouveau régime en Afghanistan, une famille sur cinq a été contrainte d’envoyer un enfant au travail. 


Ahmad Shah fait partie de ceux-là. « Je travaille dix heures par jour et je gagne 6 000 afghanis par mois (66 euros) », compte-t-il. Cet argent lui permet de payer le loyer de sa famille (2 000 afghanis, soit 21 euros par mois) et l’électricité (entre 1000 et 1500 afghanis, soit entre 10 et 15 euros par mois). Le jeune garçon est devenu le chef de sa famille, qui compte une mère, un père et deux petites sœurs.

La barre des 13 ans

Dans les mines, le travail est très dur et rarement mécanisé, mais c’est celui qui paye le mieux. « Depuis l’arrivée des Talibans, il y a beaucoup plus d’enfants dans les mines, témoigne Mohammad Yousuf Zakari, le patron d’Ahmad Shah. Ce sont tous ceux dont les familles n’avaient pas les moyens de les faire partir du pays. » La hiérarchie est simple. En dessous de 13 ans, ils restent à l’extérieur du trou pour charger le charbon sur le dos des ânes et l’acheminer jusqu’au camion. Passé cet âge, ils descendent, pioche en main, miner la veine de charbon. 

Je travaille dix heures par jour et je gagne 6 000 afghanis par mois (66 euros)

Ahmad Shah Ahmadi, 13 ans, ENFANT TRAVAILLANT DANS LES MINES

Ce travail dangereux occasionne fatalement des blessures et des maladies. Hamid Fazili est chirurgien dans la province minière de Samangan. Il estime entre 15 et 25 % le nombre d’enfants de moins de 18 ans.

« Il m’arrive souvent d’en soigner, témoigne-t-il. Certains tombent malades à cause d’une trop longue exposition aux poussières de charbon. Ils développent des maladies pulmonaires, des pneumonies notamment. »

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La dangerosité, un état de fait

Le médecin pointe aussi un grand nombre de blessés. « Pour se faciliter le travail, les mineurs travaillent à l’explosif, ce qui occasionne des incendies. J’en vois aussi qui ont été percutés par des pierres tombées de la montagne. » Pour lui, le risque sur le long terme de cette activité est immense.

« Le tissu pulmonaire est fibreux, détaille-t-il. Si les particules et les champignons l’imprègnent, on ne peut pas le guérir. Des parties entières du poumon cessent de fonctionner. Tant qu’un seul poumon fonctionne, ils peuvent vivre, mais généralement, ils attrapent une pneumonie qui se termine par un cancer. » Sur les enfants, en plein développement, les conséquences sur la durée de vie sont importantes, « et les soins coûtent trop chers, ils n’ont juste pas la possibilité d’en avoir ». 

L’absence de protections comme des masques ou des gants n’arrange rien. « Et puis il n’y a pas de contrôles du gouvernement là-dessus, balaie le docteur. En plus de cela, les Talibans ont augmenté les taxes de passage imposées aux chefs de ces mineurs. Ils ne peuvent pas acheter de matériel supplémentaire. » Le statu quo est posé, et sur place, tout le monde semble s’y être adapté, comme un état de fait. Le charbon, présent en masse dans le pays, constitue un vivier d'emploi relativement bien rémunéré.

Il n’y a pas qu’en Afghanistan, que les enfants travaillent à la mine. Dans le monde, l’Organisation internationale du travail (OIT) estime leur nombre à un million mais la donnée réelle est, par essence, difficilement estimable. Tous les travailleurs ne sont pas déclarés, et les autorités de certains pays, comme les Talibans en Afghanistan, ne sont pas très enclines aux enquêtes. Et comparés aux 160 millions d'enfants travailleurs toute catégorie recensés dans le monde, les mineurs sont vite éclipsés.

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