Au fond de la mine, la production a toujours primé sur la sécurité

Chaleur étouffante et particules toxiques ! Les mineurs de fond travaillaient dans des conditions terribles. Des conditions contre lesquelles ils n’ont que très peu été protégés par les Charbonnages de France selon les syndicats.

Ils n’ont jamais mis les moyens pour nous protéger », accuse Freddy Maugiron, secrétaire du syndicat des mineurs de la fosse de La Mure (Isère). Sans aération, cet ancien mineur est descendu à plusieurs centaines de mètres de profondeur pendant près de vingt ans. Ses collègues et lui devaient percer la roche, respirant quotidiennement de la poussière et des gaz d’échappement provenant des véhicules qui les accompagnaient. « L’air était toujours vicié », se souvient-il. Ne pouvant pas remonter, ils déjeunent même au fond de la mine ingérant, malgré eux, des particules nocives pour la santé.

Les poussières sont le principal danger pour ces employés. De silice et de charbon, elles sont à l’origine de plusieurs maladies respiratoires dont silicose, la plus meurtrière d’entre-elles. Pendant des années, les travailleurs des Houillères du Bassin de Lorraine (HBL) doivent supporter des taux d’empoussiérage nocifs pour leur santé. En 1975, alors que la médecine du travail préconise un taux de 5 mg/m3, les mineurs de fond travaillent avec un taux de 15 mg/m3

Des mesures de sécurité dérisoires

Une note, découverte en 2008, après la liquidation des Charbonnages de France, indique que les HBL savaient depuis 1974 que ce taux mettait en danger le personnel. « Ils ont triché de manière éhontée sur la sécurité », s’énerve François Dosso, ancien mineur et membre de la CFDT Mineurs de Freyming-Merlebach.

Pour s’en protéger, certaines mesures ont tout de même été mises en place  par les Charbonnages de France. Comme l’utilisation d’eau pour faire retomber les poussières au sol. Mais cela entraîne des problèmes d’évacuation qui transforment le sol en boue, embourbant les véhicules qui se trouvent au fond. 

Ils ont triché de manière éhontée sur la sécurité.

François DASSO, ANCIEN MINEUR

Autre mesure de sécurité mise en place : la distribution de masques. Mais tous les mineurs n’en reçoivent pas. En 1991, dans les fosses des HBL, 76,5 % du personnel n’est pas équipé. Le budget de sécurité par agent et par jour n’atteint même pas les deux euros. « Mes premiers masques, je les ai achetés moi-même en pharmacie », raconte François Dosso. Mais même les employés équipés ne sont pas protégés : il est impossible de les porter dans de telles conditions de travail. « Avec des températures extrêmes et la difficulté physique du travail à la mine, le port du masque nous étouffait », témoigne l’ancien mineur lorrain. Cela ne fait de toute façon aucune différence. La plupart des masques utilisés ne protègent pas des poussières. « C’était une vraie catastrophe », se désole Freddy Maugiron.

La nécessité de produire

Pourtant, les médecins des mines descendent avec les travailleurs plusieurs fois par an pour rendre compte de ces conditions de travail. Ils reçoivent également tous les mineurs pour une visite médicale annuelle. 

Mais derrière le laxisme des houillères se cache un besoin de produire. Notamment entre 1945 et 1960 où sévissait la « Bataille du charbon ». La France, en pleine reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, a besoin d’énergie pour rebâtir le pays et se tourne vers le charbon, peu cher et nécessaire à la fabrication d’électricité. Un besoin de production aussi présent entre 1970 et 1985. Quinze années marquées par les chocs pétroliers de 1973 et 1979. « On a connu des taux d’empoussiérage dingues pendant ces périodes, explique François Dosso. La santé et la vie des gens ne comptaient pas. » 

La production de charbon est aussi un enjeu majeur pour les travailleurs. Payés à la tâche, plus ils en remontent, plus ils gagnent d’argent. Encouragés à produire plus, les ouvriers sont plus longtemps exposés aux poussières et donc à de futures maladies professionnelles. Des risques que les mineurs connaissent déjà à l’époque. Beaucoup de parents refusent par exemple d’envoyer leurs enfants au fond. 

Une prise de conscience qui n’empêche pas les gueules noires d’avoir, encore aujourd’hui, une certaine colère envers leur ancien employeur. Comme François Dosso : « On pouvait produire autrement rien qu’en changeant notre façon de percer la roche. Dans les années 80, les houillères ont fait des choix détestables qui ont considérablement aggravé l’exposition du personnel aux dangers. » Aujourd’hui, les syndicats accusent les Charbonnages de France de ne pas avoir alerté les mineurs des dangers de l’amiante. Beaucoup peinent à faire reconnaître leur maladie professionnelle. Que ce soit un cancer ou une silicose.

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