À la centrale d’As Pontes, l’écologie grande absente

À As Pontes, en Espagne, la réactivation de la centrale à charbon d’Endesa début novembre 2022 n’a pas fait tant de bruit sur le plan environnemental. C’est pourtant l’une des entreprises les plus polluantes d’Europe.

« Il n’y a pas eu de manifestations pro-environnement : ici, tout le monde sait que ça va finir par fermer. » Pour Ignacio Sainz, directeur de la centrale à charbon d’As Pontes, en Galice, l’absence de mobilisation écologiste depuis la réactivation d’un groupe de production de la centrale, en novembre 2022, ne surprend pas.

Elle révèle pourtant le manque d’intérêt des résidents de la ville pour les conséquences de la centrale sur leur environnement. En 2019, la centrale avait été classée par la Commission européenne comme l’entreprise espagnole émettant le plus de CO2.

Le groupe Endesa – propriétaire de la centrale – a présenté en septembre son plan de transition, à la suite de l’arrêt définitif de deux des quatres groupes de production au charbon. Depuis 2019 et l’annonce de sa fermeture prochaine, la centrale fonctionne par intermittence, au gré des décisions politiques.

Aucune manifestation écologique depuis novembre

À As Pontes de García Rodríguez, au nord-ouest de l’Espagne, une seule association se définit comme « environnementale ». Le collectif Niño de Azor « lutte pour conserver la nature, la culture et le patrimoine de la zone d’As Pontes. » Ses membres se montrent cependant davantage en faveur du fonctionnement de la centrale que de son arrêt. 

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« Il y a une hypocrisie : la centrale ici respectait les normes environnementales européennes. Ailleurs dans le monde, ce n’est pas le cas et elles vont continuer à fonctionner », dénonce Celso Barro García. Le co-fondateur pointe également du doigt l’impact environnemental des nouveaux projets industriels, qui doivent compenser socialement la fermeture de la centrale. 

La dernière mobilisation écologiste contre la centrale d’As Pontes remonte à 2018. Dans le cadre d’une journée mondiale pour l’abandon du charbon, le collectif « Un Futuro Sin Carbón » – qui regroupe plusieurs associations écologistes locales et nationales – avait organisé une action de contestation devant la centrale à charbon. 
Depuis, il n’y a pas eu une seule manifestation. En septembre 2022, le collectif avait simplement jugé « décevante » l’annonce de l’arrêt définitif de deux groupes de production, militant pour la fermeture totale de la centrale. La réactivation d’un groupe de production, en novembre 2022, après trois mois d’arrêt, n’avait suscité ni action ni communiqué.

« Le peuple voulait de l’industrie »

« Il n’y a pas eu de véritables manifestations d’écologistes depuis les années 1990 », constate Miño, habitant d’As Pontes qui avait choisi de participer à la table de transition organisée par la mairie au sujet de la centrale, en  juin 2021. Pour Manuel Bouza Bouza, président de l’Association des transporteurs de charbon (ACTC), l’explication réside dans le fait « que la majorité des gens ne connaissent pas autre chose que la centrale » à As Pontes. « Le manque de jeunes n’aide pas non plus à créer des associations écologistes », ajoute Miño. En 2021, l’âge moyen de la population de la ville était de 48 ans et demi. 

Il n’y a pas eu de contestation parce que le peuple voulait de l’industrie.

Pepe Guerrero, ancien mineur et syndicaliste

« Dès le départ, avec la mine [jusqu’en 2007, il existait une mine à charbon à As Pontes], il y a eu de la pollution », reconnaît cependant Pepe Guerrero, ancien mineur et syndicaliste, rencontré dans la ville. « Mais il n’y a pas eu de contestation parce que le peuple voulait de l’industrie », reprend-il. Avant de se convertir en une ville industrielle, As Pontes a longtemps reposé sur l’agriculture. Pour l’ancien syndicaliste, « au niveau politique, s’opposer à la pollution ne rapportait pas de votes ». Aujourd’hui encore, aucun parti écologiste n’est représenté au conseil municipal de la ville. Aucun élu n’est délégué à l’environnement.

Finalement, les seuls à s’impliquer dans la fermeture de la centrale sont ceux qui l’organisent. « La logique est de sortir du charbon, c’est plus cher, moins efficient, et beaucoup plus polluant », répète Ignacio Sainz. Pour autant, la décision d’Endesa résulte principalement du coût des crédits carbone sur le marché européen et de l’objectif du gouvernement central espagnol d’une décarbonisation à horizon 2050. 

Sur le sujet environnemental, les syndicats partagent l’avis des dirigeants de la centrale. Membre du syndicat CCOO Endesa (Commissions ouvrières), Iván Blanco l’affirme plusieurs fois au cours de l’entretien : « On est en faveur de la décarbonisation mais on veut que ça soit bien fait ». Ici, l’emploi reste la première préoccupation.

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L’emploi, première préoccupation à As Pontes

La fermeture de la centrale à charbon d’As Pontes de García Rodríguez est sans cesse repoussée depuis 2019. La transition énergétique reste difficile pour cette ville espagnole, où les inquiétudes sociales prévalent sur les questions environnementales. La centrale à charbon d’As Pontes domine le paysage. La mairie, le supermarché et la station-essence sont surplombées par la cheminea de 356 mètres. «Elle fait partie de notre identité, on la voit tous les jours. On sait qu’il va pleuvoir en fonction de la direction de sa fumée.» …

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