Darren Macey : “Tous ces clubs de rugby ont été créés par les mineurs”

Au Pays-de-Galles, des clubs comme Cilfynydd RFC tiennent dans leur blason l’héritage minier de la région. Darren Macey nous en dit plus sur ce lien entre rugby et charbon.

Darren Macey est professeur à l’université du South Wales. Spécialiste de l’histoire sociale des mines, ancien rugbyman et conservateur du musée de l’héritage minier de Rhondda, il livre une analyse sur le développement du rugby dans les mines galloises, l’esprit de communauté, et l’héritage minier chez les plus jeunes.

Il y a plusieurs exemples de joueurs de l’équipe nationale qui ont ensuite participé à des émeutes dans les mines.

Darren MACEY, HISTORIEN Spécialiste DE L’HISTOIRE SOCIALE DES MINES

On aperçoit des terrains partout dans la région, pourquoi les mineurs ont-ils investi les terrains de rugby ?

Tout ça est en rapport avec l’esprit de communauté. Quand vous passez six jours au fond de la  mine, vous avez besoin de cette libération. La vallée de Rhondda est partagée entre deux types de communautés. Un village est passionné d’une équipe de rugby, le suivant d’une équipe de football.

La confiance perdue dans les mines a formé des liens entre les hommes qui sont ensemble sur un terrain de rugby. Il y a plusieurs exemples de joueurs de l’équipe nationale qui ont ensuite participé à des émeutes dans les mines.

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Le football est de plus en plus populaire avec le succès de l’équipe nationale. Mais le rugby semble rester le sport roi au pays de Galles. Pourquoi l’engouement est-il toujours aussi important autour du ballon ovale ?

Je vais vous donner une anecdote. Au début du XXe siècle, le pays de Galles avait battu la  Nouvelle-Zélande, et c’était la première fois que les Gallois ont entonné l’hymne national Hen  Wlad fy NhadauLe vieux pays de mes pères en Français. On peut dire que ça donne le ton.

Ensuite, il y a eu beaucoup de conflits dans  les années 1910 et 1920 entre les ligues de rugby du sud et du nord du pays. Au pays de Galles, c’est le jeu communautaire par excellence. Avant que le rugby devienne professionnel, les gens  nous payaient même pour jouer. D’ailleurs, j’ai reçu beaucoup d’argent pendant ma carrière (rires). Ça a changé au cours des quinze ou vingt dernières années.

Quand vous passez six jours au fond de la mine, vous avez besoin de cette libération.

Darren macey, historien

Je pense que le professionnalisme ne fonctionne pas au pays de Galles. Regardez en Irlande, les équipes fonctionnent par provinces, vous avez le Connacht, le Munster, le Leinster et l’Ulster. En Angleterre et en France, c’est une question de villes. Au Pays de Galles, il s’agit aussi de villes, mais ils s’inspirent du modèle irlandais en raison des contraintes financières.

Comment le rugby a su se différencier du football ?

Le football reste un sport très ancré. Mais des symboles culturels importants font que le rugby reste omniprésent. Par exemple, dans la seconde moitié du XXe siècle, les gens se sont beaucoup reconnus dans les valeurs du chanteur Max Boyce. Pour moi, c’est un artiste majeur dans cet “esprit rugby” et dans la culture populaire, car ses chansons folks parlaient de  rugby, mais aussi de l’extraction du charbon.

En tant qu’ancien mineur, il ne voulait pas y retourner. Plusieurs de ses chansons sont d’immnses succès, comme Hymns and Arias qui parle de rugby ou Duw It’s hard, qui évoque les conditions de vie dans les villages miniers. Il fait donc le lien entre les deux sujets.

Quelle a été la place de tous ces mineurs dont parle Max Boyce dans le processus de création des clubs de rugby dans le pays ?

A l’époque, les mineurs ont versé une partie de leur salaire pour construire des bibliothèques, des  associations et des clubs sportifs. Le charbon était un travail très dangereux mais relativement  bien rémunéré. Ils étaient considérés comme des aristocrates de la classe ouvrière qui avaient un  pouvoir industriel.

Il y a tout de même une nette diminution du nombre de jeunes dans les clubs par rapport aux décennies précédentes

DARREN MACEY, HISTORIEN

Tous ces clubs ont été formés dans les villages et créés par les mineurs, plutôt que par les patrons. Les mineurs ont fait perdurer une identité au travers du rugby. Vous avez une équipe comme le Cilfynydd RFC qui possède le symbole d’une cheminée sur son blason.

Au-delà des symboles, les jeunes de la vallée ont-ils gardé cette identité minière ? 

Oui, par exemple le Pontypridd RFC est une équipe centrale dans l’identité de cette région. Pour moi, en tant  qu’habitant de la vallée de Rhondda, je n’irais pas voir les Cardiff Blues, car ce n’est pas mon club. En termes de jeu, c’est toujours considérable, mais il y a tout de même une nette diminution du nombre de jeunes dans les clubs par rapport aux décennies précédentes. 

Plus généralement, pourquoi la région a connu une désindustrialisation ?

La France a joué un rôle clé dans la fin de l’exploitation du charbon au Pays de Galles.  Auparavant, la France achetait du charbon au sud du Pays de Galles, mais à partir du moment où  l’Hexagone a eu accès au charbon allemand à un taux très bas, ce fut la fin de l’exploitation du charbon.  Dans cette région, l’extraction du charbon a atteint son apogée dans les années 1930, et le déclin a été long et lent.

Par exemple, la mine où nous sommes assis a fermé en 1983, [au Rhondda Heritage Park, Ndlr]. La dernière mine  de charbon de la vallée de Rhondda a fermé en 1991. Le problème de l’héritage actuel est que de moins en moins de gens se souviennent des mineurs et de l’impact de l’exploitation du charbon.

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